[ L’interview Première Fois n°10 ] Il casse les codes du marché de la cosmétique à coups de convictions : le pari réussi du fondateur d'Avril Cosmétique Bio

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Dans ce dixième épisode, Hervé Van Rijn interviewe Alexis Dhellemmes, dirigeant et fondateur d’Avril Cosmetique Bio : une marque de cosmétique bio, engagée et accessible.

Quand l’échec devient un tremplin : le parcours inspirant d’Alexis Dhellemmes

 

Dans ce dixième épisode, Hervé Van Rijn reçoit Alexis Dhellemmes, fondateur d’Avril Cosmétique Bio. Un entrepreneur qui a transformé sa révolte face aux aberrations de l’industrie cosmétique en un projet militant et rentable. Entre échec entrepreneurial à 21 ans, 17 ans chez Auchan et la création d’une entreprise qui compte aujourd’hui 250 collaborateurs et 62 boutiques, Alexis nous livre un témoignage sans filtre sur les premières fois qui ont façonné son parcours. Une conversation authentique sur l’entrepreneuriat engagé, loin des discours marketés.

De l’échec fondateur au grand groupe

Alexis Dhellemmes n’a pas attendu d’avoir un plan de carrière tout tracé pour se lancer. À 21 ans, fraîchement diplômé, il crée sa première entreprise dans le linge de maison. Un projet familial qui ne décollera jamais vraiment. Après quatre ou cinq ans de tentatives infructueuses, il prend la décision d’arrêter.

Cet échec initial aurait pu le décourager définitivement. Au lieu de ça, il rejoint le groupe Auchan où il passera 17 ans. D’abord acheteur dans l’alimentaire, puis chef de groupe, il finit par découvrir un secteur qu’il ne connaissait pas : la cosmétique et les produits d’hygiène-beauté. C’est là, au cœur de cette industrie, qu’une petite machine va se mettre en route dans sa tête.

La prise de conscience qui change tout

Alexis se décrit comme quelqu’un d’assez écolo de sensibilité. En découvrant le marché de la cosmétique de l’intérieur, il fait un constat qui le révolte : les considérations environnementales sont systématiquement sacrifiées sur l’autel du marketing.

Ses tentatives pour convaincre les grandes marques d’enlever l’étui carton autour des tubes de dentifrice ?

Un échec cuisant.

Année après année, les industriels refusent, préférant la visibilité en rayon à l’impact écologique.

Pourtant, les chiffres donnent le vertige : 70 millions de Français utilisent environ 10 tubes de dentifrice par an. Sans les étuis cartons, ce serait entre 5 000 et 7 000 tonnes de carton en moins.

Cette frustration face à l’inertie des grands groupes va paradoxalement devenir le carburant d’un nouveau projet. Sans le savoir, les industriels qui lui opposaient un refus lui donnaient les ficelles de sa future entreprise.

L’idée qui germe dans un environnement hostile

En 2005, Alexis a une idée : et si on créait une marque de cosmétique bio avec un modèle économique radicalement différent ? Il dépose même le nom “Avril“. Mais rapidement, il se heurte à une réalité : ouvrir des boutiques physiques demande des investissements colossaux qu’il ne peut pas assumer seul.

Il décide alors de proposer le projet à son employeur, Auchan. Il prend rendez-vous avec le fondateur, présente son idée… qui finira noyée dans les méandres de la hiérarchie. Le projet n’aboutit pas. Alexis, qui se dit très heureux dans son travail chez Auchan, abandonne temporairement l’idée.

Mais le problème, lui, n’est pas résolu. Et cette conscience que quelque chose doit changer ne le quittera plus.

2011 : le grand saut dans le vide

Six ans plus tard, en 2011, un ami lui souffle une idée qui va tout débloquer : pourquoi ne pas créer un site internet plutôt que d’ouvrir des boutiques physiques ?

Les investissements nécessaires deviennent soudainement atteignables avec son épargne personnelle et quelques associés.

À une quarantaine d’années, un salaire confortable et tous les avantages d’un grand groupe, Alexis prend la décision de tout quitter.

Sa motivation ? La conviction profonde qu’il doit agir à son échelle. “Il faut que je le fasse” : une formule qu’il emploie plusieurs fois dans l’interview, révélant cette dimension presque missionnaire de son projet.

Les débuts dans le garage : quand rien ne marche

L’histoire d’Avril ressemble presque à celle de Steve Jobs dans son garage. Au début, ils sont trois : une préparatrice de commandes, une responsable web et Alexis.

À ses débuts, le site internet génère… une commande par jour. Deux les bons jours. L’entreprise est déficitaire la première année, puis la deuxième, puis la troisième.

Comment vit-on ces périodes de doute intense après avoir tout quitté ?

Alexis l’avoue : c’est vraiment inquiétant. Le mélange d’angoisse et d’incertitude est permanent. Heureusement, ses associés restent encourageants et lui permettent de persévérer. En 2014, l’entreprise cesse enfin de perdre de l’argent. En 2015, elle devient bénéficiaire.

2016 : le point de bascule

Fin 2016, avec quelques années de bénéfices derrière eux, l’équipe décide d’ouvrir une première boutique physique dans le Vieux-Lille, rue Esquermoise.

L’objectif : permettre aux clients d’essayer les produits avant d’acheter, une impossibilité sur internet pour des cosmétiques.

Ce qui se passe ensuite surprend Alexis lui-même : dès le premier jour, la boutique est remplie de clients. Cette réussite immédiate s’explique par deux facteurs : un début de notoriété locale après quatre ans d’existence et un emplacement de première qualité dans la meilleure rue commerçante du Vieux-Lille.

Aujourd’hui, en 2025, Avril compte 62 boutiques (70 d’ici la fin de l’année) et 250 collaborateurs. Une croissance spectaculaire pour une entreprise qui refusait obstinément de dépenser un euro en marketing traditionnel.

Peut-on vraiment être profitable ET engagé ?

La question revient souvent : peut-on faire du business en croissance tout en respectant ses engagements écologiques et sociaux ?

Pour Alexis, la réponse est claire : oui, à condition de repenser son modèle. Certaines décisions écologiques sont même plus économiques :

  • Ne pas distribuer de sacs marqués dans les boutiques ? Plus économique que d’en imprimer.
  • Ne pas distribuer d’échantillons ? Idem.
  • D’autres choix coûtent un peu plus cher, comme le transport en train plutôt qu’en camion pour plus de la moitié de leurs approvisionnements.

Mais rien qui ne mette en péril l’équilibre économique de l’entreprise.

Avril a rejoint le mouvement 1% for the Planet, reversant 1% de son chiffre d’affaires à des associations environnementales.

Les collaborateurs ne prennent jamais l’avion : quand Alexis s’est rendu à Madrid pour l’ouverture d’une boutique, il y est allé en train.

L’entreprise libérée : quand les salariés décident

Au-delà de l’engagement environnemental, Avril a fait le choix naturel d’être une entreprise libérée.

Concrètement, ce sont les salariés qui décident dans leur domaine de compétence, sans demander l’autorisation à leur hiérarchie.

L’équipe produit décide seule des nouveaux produits à lancer. Alexis ne s’en mêle pas, et pour cause : elle fait de la veille concurrentielle, rencontre les sous-traitants, connaît les tendances. Pourquoi lui demanderait-elle son avis ?

Ce modèle s’est mis en place naturellement dès le début.

Quand ils n’étaient que trois, Alexis ne connaissait rien au web. Il n’était donc pas en mesure de dire à sa responsable web comment faire son travail. Cette confiance et cette autonomie sont devenues l’ADN d’Avril. D’ailleurs, comme le confie Alexis : ses collaborateurs ne reviendraient jamais en arrière. Eux non plus.

Le rêve ultime : l’empreinte zéro

Si Alexis avait une baguette magique ? Réduire à zéro l’empreinte environnementale d’Avril. Voire atteindre une empreinte positive, régénérative.

Aujourd’hui, les produits sont encore vendus dans des tubes en plastique colorés. Ça, ça ne lui va pas. Mais la solution technique n’existe pas encore.

L’entreprise met beaucoup d’énergie sur le sujet des recharges, un concept auquel elle croit profondément. De nouvelles formes de recharges sont en préparation. Chaque avancée met l’équipe en joie.

Parce que c’est ça aussi, Avril : faire des choses auxquelles on croit avec plaisir, et le dire simplement, sans donner de leçons aux autres.

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