Quand la fusion tourne à la rupture
Tout commence en 2012. L’entreprise que dirige Jérôme, Radiance Mutuelle, fusionne avec deux autres mutuelles pour intégrer un grand groupe de protection sociale.
Une décision prise dans un contexte “cohérent, professionnel et en confiance” selon ses propres mots. Mais quelques mois après cette fusion, le ciel s’assombrit lorsque les premiers budgets de fonctionnement tombent : ils sont 33% supérieurs à ce qui était prévu.
“Même si on a beaucoup tendance à dire que le monde de la mutualité et le monde de l’assurance vie confortablement, on n’était absolument pas capable de supporter ce niveau de charge…” nous confie Jérôme.
C’est le point de départ d’une réflexion profonde qui va mener à une décision radicale : reprendre l’indépendance de la mutuelle. Après des tentatives de dialogue qui n’aboutissent pas, l’assemblée générale vote massivement pour la sortie du groupe.
La tempête comme catalyseur du changement
Ce que Jérôme appelle “la tempête” devient alors le catalyseur d’une transformation complète. En mai 2013, la décision est prise et l’indépendance est prévue pour le 1er janvier 2014. Entre ces deux dates, c’est une course contre la montre qui s’engage.
Face à cette montagne, Jérôme développe un sentiment aigu de responsabilité. Sans locaux au départ, il accueille des collaborateurs dans la salle de jeu de ses enfants. Des fournisseurs acceptent de travailler sans être payés immédiatement. La pression est énorme, jusqu’à recevoir un courrier menaçant d’une réclamation de 50 millions d’euros et engageant sa responsabilité personnelle.
Pourtant, c’est dans cette tempête que naît un état d’esprit entrepreneurial qui va marquer durablement l’ADN de l’entreprise.
L’esprit de “bande” : clé de la transformation
Le succès de cette transformation repose sur 3 piliers que Jérôme identifie clairement :
- La cohésion d’équipe exceptionnelle.
“On avait eu un côté des pionniers” raconte Jérôme. Les collaborateurs s’installent pièce par pièce au fur et à mesure que les bureaux sont validés, apportant leurs propres équipements. Cette dynamique crée un sentiment d’appartenance très fort, un “fonctionnement en bande” comme le qualifie Jérôme.
La culture du droit à l’erreur s’installe naturellement : “Pendant neuf mois, on a pris pas moins de 5 à 10 décisions par jour. On a pris de super bonnes décisions. Et puis on a pris de très mauvaises décisions.” Mais finalement, seules les décisions non prises ont vraiment posé problème.
- Le pouvoir de l’intuition face à l’incertitude.
Dans ce contexte d’incertitude, Jérôme apprend à faire confiance à son intuition plutôt que de chercher toujours la rationalité parfaite.
“J’ai managé en espérant être aussi cartésien que possible… et quand vous essayez de rendre rationnel une intuition alors que vous avez en face quelqu’un de cartésien, il vous défonce instantanément.”
Cette leçon est précieuse : parfois, il faut accepter de décider avec des informations incomplètes, faire confiance à son ressenti et avoir le courage de dire “On fait comme ça parce que je le sens comme ça.”
- L’équilibre entre action et réflexion.
La philosophie qui s’installe est celle des “faiseurs” plutôt que des théoriciens.
“La vraie conviction, c’est que si tu veux transformer, il faut faire, il faut travailler, il faut faire des efforts et il faut agir.”
Ce pragmatisme, cette mise en action rapide, est devenu l’ADN de M Comme Mutuelle.
Une transformation en trois temps
En dix ans, l’entreprise a connu trois phases de transformation distinctes :
- 2014-2017 : le déplacement et la stabilisation de l’entreprise.
- 2017-2019 : la rationalisation de l’entreprise.
- 2019 à aujourd’hui : la digitalisation, l’obtention du label B Corp et la certification Great Place to Work.
De cette aventure, Jérôme tire une image évocatrice : “Je pense qu’au début, on était des pirates mais sur sur une goélette en bois et qu’aujourd’hui on est des corsaires, mais sur un zodiaque rapide.”
Le carburant de la transformation : l’injustice transformée en énergie positive
Ce qui frappe dans le témoignage de Jérôme, c’est comment un sentiment d’injustice s’est transformé en moteur pour l’action.
Cette “colère saine face à l’injustice” est devenue une capacité à transformer les choses, un ressort qui permet encore aujourd’hui à l’entreprise d’avancer.
Une leçon entrepreneuriale universelle
L’histoire de Jérôme Rehlinger et de M Comme Mutuelle nous rappelle que l’entrepreneuriat naît souvent d’une nécessité, d’un obstacle qui devient opportunité. Elle illustre parfaitement comment une situation de crise peut devenir le terreau fertile d’une transformation profonde.
Elle nous enseigne aussi l’importance du facteur humain : le soutien personnel (Jérôme remercie chaleureusement son épouse), la cohésion d’équipe, la célébration des victoires et l’acceptation des erreurs sont des éléments essentiels de la réussite.
Dans un monde professionnel en constante évolution, où les crises se multiplient, cette capacité à transformer l’adversité en opportunité est plus que jamais nécessaire. Car comme le dit si bien Jérôme : “Ce qui m’importe, c’est moins la destination que la façon d’avancer.“