[ L’interview Première Fois n°10 ] Il casse les codes du marché de la cosmétique à coups de convictions : le pari réussi du fondateur d'Avril Cosmétique Bio

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Dans ce dixième épisode, Hervé Van Rijn interviewe Alexis Dhellemmes, dirigeant et fondateur d’Avril Cosmetique Bio : une marque de cosmétique bio, engagée et accessible.

Avril : l’histoire d’un entrepreneur qui a refusé de choisir entre profit et planète

Il y a quelque chose d’absurde dans l’industrie cosmétique. Un bout de carton autour d’un tube de dentifrice.

Alexis Dhellemmes s’en souvient comme si c’était hier. Chaque année, religieusement, il prenait rendez-vous avec les grands groupes. Signal, Colgate, Oral-B. Et chaque année, il leur posait la même question : pourquoi ne pas enlever l’étui carton qui entoure vos tubes ? Les gens le jettent dès qu’ils rentrent chez eux. Entre 5 000 et 7 000 tonnes de carton à la poubelle tous les ans. Pour rien.

La réponse ne variait jamais. Le marketing prime sur l’environnement.

À l’époque, Alexis travaille chez Auchan. Dix-sept ans à apprendre les rouages de la grande distribution. Dix-sept ans aussi à accumuler une certaine frustration.

Parce qu’Alexis se définit comme écolo de sensibilité. Et ce qu’il découvre dans l’industrie cosmétique le révulse. Le bio ne représente qu’un dixième des ventes. Les produits coûtent cher à cause d’un modèle économique basé sur des budgets marketing pharaoniques.

Pub, égéries, échantillons. Le cercle vicieux : pour payer le marketing, il faut vendre cher.

En 2005, une idée germe. Et si on faisait l’inverse ?

Si on supprimait tous ces coûts pour proposer du bio accessible ? Il dépose même le nom : Avril. Il tente de porter le projet en interne chez Auchan. L’idée circule, passe de main en main et finit par s’évaporer. Tant pis. La vie continue.

Sauf que le problème, lui, ne disparaît pas. Et cette petite voix dans sa tête : il faut que je fasse quelque chose.

Début 2011, un ami lui souffle une idée : pourquoi vouloir ouvrir des boutiques ? Crée un site internet. L’investissement devient réalisable avec son épargne et quelques associés. Alexis a une quarantaine d’années. Une maison. Un salaire confortable. Il lâche tout.

Les débuts ne ressemblent pas aux success stories des magazines. Ils sont trois dans un garage. Le site génère une commande par jour. La première année est déficitaire. La deuxième aussi. La troisième encore.

En 2014, l’entreprise cesse de perdre de l’argent. En 2015, elle devient bénéficiaire.

En 2016, ils ouvrent une boutique dans le Vieux-Lille. Le jour de l’ouverture, elle se remplit de clients. Immédiatement. Quatre ans d’existence ont créé un début de notoriété locale. Le modèle sans marketing traditionnel prouve sa viabilité.

Nous sommes en 2025. Avril compte désormais 62 boutiques, bientôt 70. 250 collaborateurs. Sans jamais dépenser un euro en publicité classique.

Mais ce qui rend Avril vraiment différent ne se limite pas à son modèle économique. Dès le début, Alexis a fonctionné en “entreprise libérée”. Ce sont les équipes qui décident dans leur domaine d’expertise. L’équipe produit choisit les nouveaux produits à lancer. Sans demander d’autorisation. Comme il le confie : ses collaborateurs ne reviendraient jamais en arrière.

L’engagement écologique d’Avril ne se limite pas au discours. L’entreprise reverse 1% de son chiffre d’affaires à des associations environnementales. Plus de la moitié des approvisionnements se font en train. Personne ne prend l’avion. Les boutiques ne distribuent ni sacs marqués ni échantillons.

Reste le grand rêve. Réduire à zéro l’empreinte environnementale d’Avril. Les produits sont encore vendus dans des tubes en plastique. Ça ne lui va pas. Mais la solution technique n’existe pas encore. L’entreprise travaille sur les recharges, teste de nouvelles formes.

Quand on lui demande s’il regrette d’avoir tout quitté à 40 ans, Alexis répond sans hésiter. Non. Parce qu’il a déjà échoué une fois, à 21 ans. Et il a rebondi. Cette première expérience ratée lui a donné la certitude qu’un échec n’est pas une fin.

Aujourd’hui, quand il croise d’autres entrepreneurs, il ne leur fait pas la morale. Il se contente de raconter ce qu’Avril fait.

Le train plutôt que l’avion. Les recharges plutôt que le jetable. L’entreprise libérée plutôt que la pyramide hiérarchique.

Et il constate que ça inspire.

Parce qu’au fond, c’est peut-être ça, le vrai pouvoir du militantisme entrepreneurial. Pas donner des leçons. Juste montrer que c’est possible. Que l’engagement et la rentabilité ne sont pas incompatibles.

Tout ça a commencé avec un tube de dentifrice. Alexis n’a pas réussi à convaincre les grands groupes de supprimer ce carton inutile. Alors il a créé une entreprise qui ne l’utilise pas.

Treize ans plus tard, Avril prouve chaque jour qu’on peut faire du business autrement.

Parfois, les plus grandes révolutions commencent par les plus petites révoltes.

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Qui est Alexis Dhellemmmes ?

Alexis Dhellemmes, 58 ans, est le fondateur et dirigeant d’Avril Cosmétique Bio, qu’il a créée en 2011. Son parcours entrepreneurial débute tôt, à 21 ans, avec une première tentative dans le linge de maison qui se solde par un échec. Il rejoint ensuite le groupe Auchan où il passera 17 ans, d’abord comme acheteur dans l’alimentaire, puis comme responsable du secteur cosmétique et produits d’hygiène. C’est là qu’il découvre les aberrations d’une industrie privilégiant le marketing à l’environnement. Écolo de conviction, il décide à 40 ans de tout quitter pour créer une marque de cosmétique bio accessible, sans budget publicitaire. Aujourd’hui, Avril compte 62 boutiques et 250 collaborateurs, fonctionnant en entreprise libérée. Alexis incarne un entrepreneuriat militant où la rentabilité économique ne se fait pas au détriment des engagements écologiques et sociaux.

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